Programme Histoire des sciences et des techniques & des sciences de l’homme 2016-2017

Actualisé le 15 novembre 2016 à 8 h 21.

LE DIALOGUE DE ROUSSEAU ET DE THUCYDIDE, UNE RÉPONSE À PAUL VALÉRY SUR L’HISTOIRE.

Depuis plus de vingt ans l’Espace Mendès France a mis au cœur de sa programmation cette préoccupation essentielle qu’est l’histoire des sciences. Entendue dans sa plus large acception, la notion de sciences a suivi sur ces deux décennies une évolution progressive amenant à une ouverture sur nos interrogations de société. La dimension contemporaine de l’histoire des sciences se fait donc comme en écho à un débat vieux comme l’histoire de la pensée. La querelle des anciens et des modernes revit sans cesse. Cette conscience guide donc les pas des médiateurs que nous sommes années après années.
Lorsque Rousseau en 1762 écrit ceci dans l’Émile (Livre IV) […Thucydide est à mon gré le vrai modèle des historiens. Il rapporte les faits sans les juger, mais il n’omet aucune des circonstances propres à nous en faire juger nous-même. Il met tout ce qu’il raconte sous les yeux du lecteur ; loin de s’interposer entre les événements et les lecteurs, il se dérobe; on ne croit plus lire, on croit voir]… que disait donc Thucydide vingt siècles auparavant dans sa « guerre du Péloponnèse » ?… [Voir clair dans les événements passés et dans ceux qui, à l’avenir, du fait qu’ils mettront en jeu eux aussi des hommes, présenteront des similitudes ou des analogies…]. La guerre du Péloponnèse a été à ce titre une réflexion sans égale pour ce philosophe injustement délaissé, les dernières pages de Tolstoï, dans « Guerre et Paix » offrent cette perspective.

Ces visionnaires nous appellent à juste titre à conserver intacte notre capacité à discerner dans un maquis de faits prompts à nous détourner d’une pensée claire sur ce que devient notre monde. Ce trouble qui revient sans cesse aux moments les plus incertains de notre histoire est évoqué par Paul Valéry « L’histoire est le produit le plus dangereux que la chimie de l’intellectuel ait élaboré. Il fait rêver, il enivre les peuples, leur engendre de faux souvenirs, exagère leurs réflexes, entretient leurs vieilles plaies, les tourmente dans leur repos, les conduit au délire des grandeurs ou à celui de la persécution et rend les nations amères, superbes, insupportables et vaines. L’histoire justifie ce que l’on veut, n’enseigne rigoureusement rien, car elle contient des exemples de tout et donne des exemples de tout ». Ce scepticisme, cette vision sévère et elliptique de l’histoire nous rappelle aussi à nos fondamentaux : il faut savoir éclairer nos regards présents.

Ce sont ces indications en forme de préceptes qui guident les propositions de la saison 2016 que l’Espace Mendès France offre à toutes et tous. Populariser les sciences ça n’est pas les dénaturer, les infantiliser, les réduire.
C’est au contraire les offrir en partage, dans un entrelacs dont Edgar Morin nous a rappelé le potentiel. Tisser entre présent et passé un lien pensé et compréhensible c’est offrir au débat démocratique une densité de plus. Les façons de travailler et de débattre importent pour mettre en scène ce sujet. « Les ateliers de chercheurs », « Les amphis du savoirs », « Les amphis des lettres au présent »… autant de formats ouverts qui sont proposés à nos publics, sans exclusives, sans autres considérations que celle d’une offre proposant ce maillage des connaissances dans une complexité à la portée de tous. Les migrants, les réfugiés, les exilés seront là tout autant que celles et ceux qui ont fait l’astronomie d’hier et le regard sur l’autre d’aujourd’hui. Rien n’empêche de se demander si l’origine de la femme se différencie de celui de l’espèce, tout comme rien n’interdit de penser que la filiation de l’arabe et du latin ont construit Albert Einstein, métisse absolu, dont la pensée mérite encore d’être mise en lumière.

C’est la démocratie qui naît sous Thucydide, tout objet issu de la pensée humaine est mortel, périssable et certains moments sont plus cruciaux que d’autres à cet égard. L’histoire nous l’apprend, elle nous apprend aussi que l’homme conduit son chemin en pensant pour dépasser ce qui est admis et aller vers un « autre ». Rien de cela ne s’est fait sans la mise en commun. C’est ce croisement que nous vous proposons, vous en êtes les contributeurs.

Didier Moreau,
Directeur de l’Espace Mendès France

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Publié par Justine

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