Conférence de Jean-Marc Lévy-Leblond, professeur à l’université de Nice, départements de physique, de philosophie et de communication. Physicien (théoricien), épistémologue (expérimentateur) et « critique de science ». Directeur des collections scientifiques des éditions du Seuil, et de la revue Alliage (culture, science, technique).
La science moderne a quelques siècles derrière elle. Il n’est pas évident qu’elle en ait un seul devant elle.
Depuis la « révolution galiléenne », les activités techniques et les connaissances scientifiques ont lentement conflué, les premières inspirant d’abord les secondes, avant que celles-là ne fécondent tardivement celles-ci. L’efficacité inédite de ce couplage a été telle que la science est désormais en passe d’être dépassée par sa propre réussite, et recouverte par les techniques mêmes qu’elle a engendrées, donnant naissance à une « technoscience ».
Le paradoxe de cette nouvelle forme d’organisation des savoirs et des savoir-faire est qu’elle engendre une occultation de la spéculation intellectuelle par l’action matérielle : la transformation du monde désormais l’emporte sur sa compréhension, renouant avec la configuration archaïque antérieure à la révolution scientifique.
Si les civilisations sont mortelles, leurs sciences aussi.