Le pôle d’histoire des sciences lancé en 1994 par l’Espace Mendès France est plus que jamais indispensable. Constitué à un moment où la place des sciences était centrale et encore peu remise en cause, il a été pionnier en France. Sa programmation a permis au fil des années de mobiliser une véritable communauté de chercheurs dont les contributions ont été cruciales. Ce pôle est d’autant plus important à l’heure où les résultats de la recherche posent question. Les intervenants garantissent des échanges qui échappent aux contraintes et au diktat de la communication habituelle. Au cœur des grands mouvements de nos sociétés contemporaines, le débat, la confrontation des idées, sont autant de vecteurs construisant une vision éclairée des questionnements et sujets auxquels nous sommes confrontés. À ce titre, l’histoire constitue un repère essentiel à la compréhension et à la mise en perspective de ces problématiques.
Édito
Les sciences humaines et sociales sont depuis 25 ans un levier de développement pour l’Espace Mendès France. Trop longtemps la culture scientifique a été considérée comme une démarche visant à valoriser les résultats de la recherche des sciences dites exactes, à les rendre accessibles, à communiquer dessus pour les rendre acceptables, voire soutenable. Tout cela est vrai et correspond à ce qui a été pratiqué par une multitude d’acteurs avec compétence et savoir-faire. Mais se cantonner à ce processus est largement insuffisant et, plus profondément, renvoie à une perception inexacte des « besoins de sciences » de notre société. Elle génère le risque de l’entre-soi et de la reproduction des publics qui est à l’évidence un problème. Cette intuition a été, dès 1993, le terreau d’une approche singulière portée par l’Espace Mendès France. L’histoire des sciences et des techniques en aura été le premier jalon. Ce rappel « historique » pour dire à quel point cette approche, où les sciences de l’Homme sont mobilisées au même titre que les sciences exactes ne va pas de soi, a rencontré scepticisme et critiques, ce qui est dans la logique des choses. La culture scientifique n’est pas le faire-valoir d’une science censée tout expliquer, elle n’a de sens que si elle permet de donner de l’humanité aux avancées de la recherche. Les humaniser c’est les mettre à leur place, toute leur place. C’est leur permettre de croiser les regards.
La connaissance progresse dans le débat et le partage, « en intégrant l’incertitude et non en l’exorcisant » pour reprendre Edgar Morin, il s’agit de le mettre en œuvre et en scène, sur la place publique. C’est ce que l’Espace Mendès France a fait année après année, en construisant une relation de confiance au sein de la communauté universitaire et aux côtés de l’université de Poitiers en premier lieu. C’est ce qui a été, au fil des programmes, rendu possible grâce à la mobilisation de nombreuses personnalités qui ont bâti un tiers de confiance avec nos publics. Rien de ce qui sous-tend les interrogations de notre société n’est absent des propositions faites à nos concitoyens. Le programme de 2019/2020 est l’enfant de ces années d’engagement qui, plus que jamais, ont permis de préparer ce qui relève d’une obligation démocratique : confronter de manière éclairée les points de vue pour avancer et permettre de se « reconnaître dans une humanité commune en même temps que reconnaître leur diversité tant individuelle que culturelle ». Si Edgar Morin est aussi présent dans ce processus c’est simplement que la complexité qu’il nous donne à penser est l’horizon de nos destinées. Enfin, ce programme résolument éclectique est aussi une porte sur une capacité à envisager, penser, rêver, collectivement à des solutions pour les enjeux à venir où l’incertitude est le dénominateur commun de tout.
Didier Moreau, directeur de l’Espace Mendès France
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