Alerte : les nanotechnologies se développent sans pilote

Actualisé le 20 août 2012 à 20 h 14.

En accompagnement de l’exposition Les secrets du nanomonde, proposée jusqu’au 22 mai 2011, l’Espace Mendès France a organisé un certain nombre de conférences et de journées d’études, et continue d’entretenir le débat sur le sujet en se faisant l’écho du communiqué de presse en date du 24 février 2011, intitulé Alerte : les nanotechnologies se développent sans pilote signé par l’association Vivagora, le Réseau Environnement Santé, l’Association toxicologie-chimie et Europe-Ecologie-Les Verts.

Communiqué

Alors que des centaines de nanoproduits sont sur le marché (ciments dépolluants, vitres et peintures autonettoyantes, textiles anti-odeurs, réfrigérateurs aux revêtements anti-bactériens, pansements à l’argent, cosmétiques au nanotitane, aliments renfermant des nanosilices…) leur traçabilité n’est guère assurée.

Avec la loi « Grenelle 2 » du 12 juillet 2010, l’État s’est engagé à mettre en place un suivi des nanomatériaux, par le biais d’une déclaration obligatoire périodique de la fabrication, de l’importation ou de la distribution de « substances à l’état nanoparticulaire » ou « des matériaux destinés à rejeter de telles substances » (articles L. 523-1 à 3 du Code de l’environnement), ainsi qu’une information des consommateurs et une gouvernance des nanotechnologies.

Ces engagements doivent être tenus.

  • En premier lieu, nous demandons que le gouvernement clarifie sa position suite au débat national mené par la Commission nationale du débat public (CNDP) d’octobre 2009 à février 2010. Sa réponse au processus de concertation nationale aurait dû être donnée avant le 9 juillet 2010, suite au bilan remis le 9 avril par le président de la CNDP, M. Philippe Deslandes. Dans un courrier adressé le 16 février 2011 à ce dernier, nous indiquions : L’absence de réponse du gouvernement est« préjudiciable à l’autorité indépendante que vous représentez. En effet, la confiance qu’elle inspire aux citoyens repose sur le respect des règles établies par la loi, et notamment celle qui veut que le maître d’ouvrage prenne position après le processus. Faute de quoi, la participation n’a aucun débouché politique. »
  • En second lieu, nous alertons les pouvoirs publics sur les insuffisances du décret d’application relatif à la déclaration annuelle des produits contenant des substances à l’état nanoparticulaire mis sur le marché, actuellement proposé à la consultation jusqu’au 28 février 2011. Ce décret maintient des incertitudes qui rendent aléatoires les démarches des opérateurs (producteurs, importateurs, utilisateurs).

Cinq lacunes ont été pointées dans la contribution réalisée ce jour au décret d’application :

  • N’y est pas désigné l’organisme chargé de collecter les données relatives aux substances à l’état nanoparticulaire de les gérer et de les mettre à disposition du public. Il faudra donc que les ministres de l’environnement, de l’agriculture, de la santé et du travail désignent par arrêté, dans un délai inconnu, l’organisme collecteur pour que les opérateurs commencent à transmettre leurs informations. Pendant ce temps, les nanoproduits continueront d’arriver sur le marché sans être déclarés.
  • Le gouvernement n’indique pas quel sera l’organisme chargé d’informer le public. Selon nous, l’ANSeS (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) serait tout indiquée car cette agence a dans ses missions l’information et le débat public.
  • Le décret stipule de larges dérogations à la déclaration obligatoire des nanosubstances, notamment le secret de nature industrielle ou commerciale.
  • La prévention des non-déclarations est peu crédible, puisque les amendes prévues sont dérisoires.
  • Les « substances à l’état nanoparticulaire » visées par le décret d’application ont une définition trop large et mouvante, en référence à celle de la Commission européenne. De ce fait, l’efficacité de la procédure de déclaration risque d’être faible ou partielle.

Alors que le Conseil national de la consommation (CNC) exhortait, le 16 juin 2010, les pouvoirs publics à mettre en place une « structure de concertation permanente au sein du CNC pour surveiller les projets européens et internationaux, et l’évolution de l’introduction des nanomatériaux dans les produits de consommation », aucun projet en ce sens n’a été amorcé. La France pourrait prendre exemple sur le ministère allemand de l’industrie, qui publie un inventaire des producteurs, utilisateurs et laboratoires de recherche manipulant des nanoparticules (avec leur localisation).

Enfin, il est temps que les pouvoirs publics mettent en place des modalités de « vigilance coopérative » en lien avec les diverses parties prenantes.
Il s’agit de rendre pertinentes et vivantes, les démarches d’information, en les reliant aux espaces permanents de concertation – comme le Nanoforum – aux procédures d’expertises pluralistes (grâce auxquelles les questions et opinions venant de la société sont intégrées et valorisées, à l’instar du processus COEXnano, que VivAgora expérimente depuis mai 2010.) ainsi qu’aux veilles citoyennes d’informations (comme l’Alliance citoyenne sur les nanotechnologies).

La réflexion sur les risques acceptables au regard de l’utilité (ou non) des produits est devenue incontournable – notamment en contexte d’incertitude – pour éclairer la décision politique.
Nous rappelons que, dans le cadre de COEXnano, un débat sur six nanorevêtements de consommation courante se tiendra le 15 mars 2011 à La Cité internationale universitaire de Paris pour analyser leur intérêt industriel et commercial au regard de l’intérêt général.

 

Publié par thierry pasquier

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