Conférence de Geneviève Xhayet, docteur en histoire, directrice adjointe au Centre d’histoire des sciences et des techniques, université de Liège.
Première forme de médecine spécifique à l’Occident médiéval, la médecine monastique est souvent associée au haut Moyen Âge et aux grands monastères carolingiens. Elle survit toutefois largement au développement des premières facultés de médecine, ce qu’elle doit sans doute à son statut. Liée en effet aux impératifs de la charité chrétienne, elle découle aussi de la médecine domestique de la basse antiquité. Apparaissant avant tout comme une pratique médicale, elle suscite diverses questions sur ses rapports à la médecine universitaire, sur son niveau de rationalité, ou encore sur l’imprécision de ses contours, entre soins médicaux stricto sensu et relation plus large des individus à leur environnement.
Une étude de cas illustrera ces problèmes. Aux XIIIe et XIVe siècles, les moines de Saint-Jacques de Liège se dotent d’une importante bibliothèque médicale. Si les traités savants y abondent, les textes issus de traditions « populaires » y sont également nombreux. Ainsi, un médicinaire combine des recettes médicales avec un lunaire et une clé des songes. Un calendrier de jeûnes teinte le tout de religiosité. Quelle fut la fonction d’un tel traité ? Au-delà des questions de finalité, le médicinaire se prête aussi à une enquête en histoire des savoirs. Par des cheminements plus ou mois sinueux, ses éléments constitutifs remontent à la science antique. Ce texte invite dès lors aussi à s’interroger sur les rapports entre savoirs doctes et savoirs empiriques dans le monde bénédictin médiéval.