À l’envers de la lumière (52m, 2022) est un film documentaire sur l’art du tirage en photographie argentique, réalisé par Anne-Cécile Guilbard et Fabien Maheu. Projection suivie d’un échange avec les réalisateurs et les intervenants du film.
Cette projection suit une après-midi d’échanges : l’art du tirage en photographie argentique.
Les tireurs travaillent dans l’ombre des photographes et dans l’obscurité. Dans la chambre noire, à l’agrandisseur, le négatif est projeté sur le papier et leurs mains jouent dans le faisceau lumineux à entraver ou concentrer la frappe des photons sur les sels d’argent. Ils débouchent des noirs, affinent des blancs dans les valeurs de gris qui sont une gamme continue au détail infini. Il en est de même pour le spectre des couleurs. Ils appellent « maquillage » leurs gestes de sorciers. Aux bains, ils révèlent, arrêtent, fixent les images qui deviennent enfin des photographies, qui sont enfin faites visibles.
Leurs gestes en solitaires, techniques et magiques, sont guidés d’abord par les mots, ce que dit vouloir le photographe de ses images, en attendant ses images. Ils écoutent et proposent (des papiers, des tons, des filtres, des formats), ils décident ensemble. Toujours les tireurs sont aux photographes aussi fidèles que leurs ombres. Ce sont eux qui donnent aux photographes ce qui sera leur œuvre.
À l’envers de la lumière, on voit Thomas Consani tirer La jeune fille à la fleur, l’icône de la protestation contre la guerre de Marc Riboud (Washington, 1967) en noir et blanc ; on le voit chercher et faire, refaire encore une nouvelle fois de ses mains, l’image qu’aurait souhaitée le photographe disparu en 2016. Julie Laporte joue pour la couleur en argentique des filtres et des complémentaires, en négatif pour le RA4, en positif pour le cibachrome. C’est comme une danse, dit-elle, cette mesure du temps et des gestes dans le noir. On voit aussi à l’envers dans l’autre chambre photographique, celle de Claude Pauquet, qu’il promène et qu’il règle face à des paysages, des territoires et leurs habitants. Marc Deneyer montre comment il a utilisé le Zone system au Groenland en 1994 et obtenu des négatifs qui ne nécessitent pas de maquillage – l’exception requiert une maîtrise technique certaine. Enfin, on revient à Thomas Consani et sa relation avec le photographe Pierre-Elie de Pibrac pour les tirages de son long projet à Cuba en noir et blanc : le photographe dit que le tireur est au centre, entre les rencontres qu’il a faites là-bas et celles que les regardeurs feront avec ses images.
À l’envers de la lumière qui éclaire d’ordinaire les photographes dans les expositions et les livres de photographies, le film propose de découvrir l’art des tireurs.
Ce film a été tourné dans les laboratoires Cadre-en-Seine (Julie Laporte), Dupon et Picto (Thomas Consani) à Paris, ainsi qu’à Poitiers et aux alentours (Claude Pauquet, Marc Deneyer).
Événement organisé par Anne-Cécile Guilbard, maître de conférences en littérature française du XXe siècle et en esthétique de l’image, laboratoire Forellis, UFR Lettres et Langues, université de Poitiers, dans le cadre du CPER Insect.