Dans le cadre du festival Raisons d’agir 2010 sur le thème « Surveiller, ficher et pénaliser » le Lieu multiple propose une projection de Faceless de Manu Luksch, net-artiste et cinéaste viennoise basée à Londres et co-fondatrice d’ambient.tv.
Faceless est un long métrage de science-fiction, produit exclusivement avec des images capturées par les caméras de vidéo-surveillance, selon les règles du Manifesto for CCTV Filmmakers.
Faceless
long métrage de science-fiction, 52′
réalisatrice Manu LUKSCH
Faceless est un film produit exclusivement avec des images capturées par les caméras de vidéo- surveillance, selon les règles du Manifesto for CCTV Filmmakers. Cette charte imaginée par Manu Luksch s’adresse à des cinéastes d’un nouveau genre qui ne tournent pas avec leur propre caméra mais utilisent les enregistrements des caméras de surveillance omniprésentes. Le manifeste s’appuie sur une loi britannique sur la protection des données qui permet aux personnes filmées de réclamer une copie de ces enregistrements.
Faceless se déroule dans une société sans passé, ni futur, où les humains sont dépourvus de visage. Une femme est prise de panique un matin lorsqu’elle retrouve son visage.
Un numéro dans la foule. Marie Lechner. Libération. 09/2007
Sous-titre du film
Des images de la peur pour vaincre la peur. Robert Buchschwenter 2008
La peur anéantit le présent. Elle se nourrit d’un passé qui, sans crier gare, submerge le présent et prend possession de l’avenir. Conjurer cette peur en abolissant passé et avenir, telle est la promesse de l’État de surveillance. Une promesse qui tend à légitimer l’observation permanente de l’espace public et transforme le rêve d’une existence sans problème dans un immédiat étanche en cauchemar devenu réalité. Manu Luksch nous conte ce cauchemar en utilisant le vocabulaire des films de science-fiction – et le matériau visuel qu’elle a réussi à acquérir auprès des contrôleurs du système londonien de vidéo-surveillance, en vertu de la loi britannique sur la protection des données. Dans un enchaînement fantastico-poétique, elle transforme des vues de la ville, d’une familiarité troublante, en théâtre d’un scénario fatidique: une femme est brutalement projetée hors du “monde du temps réel” qui était soumis au contrôle absolu d’un système anonyme. Anciennement sans visage ni vécu, comme les personnes rendues non identifiables sur les enregistrements fournis par les opérateurs vidéo (conformément à la loi sur la protection de la vie privée), la protagoniste de Faceless, retrouvant soudain son visage, se trouve rejetée hors de son existence de donnée et plongée dans une histoire qu’on pensait oubliée. Quand la prise de conscience traumatique aboutit au renversement en son contraire de l’acte libérateur voué à l’échec, Facelessfait, par le biais d’images aussi évocatrices qu’angoissantes, le métarécit bouleversant d’une société dont l’identité est en passe de disparaître dans l’image déformée de son hyper-présence médiatique.
Traduction: Françoise Guiguet