Faire et défaire, construire et déconstruire
La « mondialisation » est devenue l’un des lieux communs du langage politique, depuis près d’une quinzaine d’années. Tel qu’il est défini par les experts médiatiques et tous les « importants », le phénomène serait inéluctable, avec son lot de délocalisations et de souffrances sociales, avec sa part de nouvelles espérances démocratiques découlant d’une sorte de rétrécissement du monde. En son nom, partout sur la planète, le droit du travail a été « adapté » aux « impératifs de compétitivité », l’économie marchande a reconquis toute une part des secteurs naguère passés sous le contrôle de la collectivité. Et lorsque la nouvelle économie-monde s’est déclarée en faillite, avec la crise dite des « subprimes », les mêmes nécessités ont été invoquées pour justifier de nouveaux plans « d’ajustement » et s’en remettre un peu plus aux supposées vertus de la consommation, de la concurrence « non faussée « et de la nouvelle « gouvernance mondiale ».
Par quels mécanismes sociaux et politiques s’impose ce discours sur la naturalité des procesus d’accumulation à l’échelle du monde ? Par quels retournements historiques, le renouveau des mouvements sociaux que l’on avait observé, en particulier en Europe ou en Amérique latine depuis les années 1990, n’a-t-il que rarement débouché sur des alternatives ? Dans quelle mesure les mobilisations que l’on voit se développer actuellement au Nord comme au Sud peuvent-elles changer la donne ?
De Dehli à Chicago
En proposant ainsi de passer la « mondialisation » au crible de ses conditions sociales et politiques, on ne prétend nullement récuser l’importance des mécanismes économiques. Les travaux sur l’histoire de la mondialisation économique, tels que les ont inaugurés Marx, Schumpeter ou Braudel, sont là pour nous rappeler l’ancienneté et l’importance des dynamiques d’expansion du monde capitaliste, par destruction et création de formes nouvelles. Mais la sociologie économique et celle des luttes sociales et politiques nous apprennent aussi à quel point ces dynamiques sont socialement construites et procèdent des rapports de force matériels et symboliques.
L’un des enjeux de la période actuelle est précisément de parvenir à analyser de quelle façon les différentes formes de domination économique, sociale et politique que l’on rencontre sur la planète concourent à faire de l’économie mondiale ce qu’elle est.
Pour tous ceux qui veulent contribuer au renversement des logiques qui prévalent actuellement, il ne s’agit plus seulement d’en appeler à la solidarité internationale ou de proclamer qu’un « autre monde » ou qu’une « autre mondialisation » sont possibles. Il faut aussi mieux comprendre de quelle façon les manières dominantes d’organiser l’économie tendent à s’imposer et à se reproduire, à travers toute une série de discours, de pratiques et d’institutions ; il faut saisir la diversité des contextes nationaux et les difficultés à construire des solidarités internationales ; et comprendre de quelles façons des solidarités concrètes se sont malgré tout constituées dans la période récente.
Croiser les regards
Comme lors des cinq premières éditions, consacrées aux rapports du populaire au politique, au monde du travail, à mai 1968, aux utopies et au contrôle des populations, la programmation du festival 2011 abordera la question de la « mondialisation » à partir de différents points de vue. En premier lieu, la diversité des expériences de la « mondialisation » selon les contextes sociogéographiques tiendra une place importante dans les réflexions et les échanges : de l’Inde à la Grèce, de l’Afrique à l’Europe ou aux Amériques, il s’agira de plonger dans les expériences « locales » des nouveaux rapports de force économiques et politiques. De la question écologique aux conflits du travail, des phénomènes migratoires aux processus d’urbanisation, ce sont aussi les enjeux spécifiques portés par toute une série de mobilisations sociales qui pourront retenir l’attention. De même, on se déplacera du niveau des dominations et des luttes locales à celui des institutions internationales, qu’il s’agisse des acteurs qui produisent ou gèrent la « mondialisation » – à l’OMC, au FMI ou à la Banque Mondiale – ou de ceux qui tentent de construire des résistances transnationales au sein des organisations classiques du mouvement social, des réseaux altermondialistes ou des collectifs internationaux plus informels.
Les différents moments du festival permettront également de croiser le regard des réalisateurs, des militants, des jeunes et des chercheurs. Ainsi, la soirée d’ouverture verra l’intervention des journalistes du Monde Diplomatique, dont on sait qu’ils ont joué en France un rôle pionnier sur ces questions, et celle des étudiants de la faculté de Lettres de Poitiers pour une intervention multiforme sur la « langue de la mondialisation ». Elle sera aussi l’occasion pour chacun de voir ou de revoir le fameux Nouvel âge glaciaire. La projection de Bamako et le débat organisé à cette occasion au cinéma Le Dietrich, constitueront le point d’orgue des journées d’études du vendredi et du samedi matin. Enfin, le samedi après-midi sera particulièrement dense, avec la projection de La 4e Guerre Mondiale, une table-ronde réunissant des militants altermondialistes et des syndicalistes ouvriers et étudiants, et, en guise de bouquet final, un happening d’Upgrade! Paris.
Accès
Le festival est ouvert à tous.
L’accès à l’ensemble des manifestations est libre et gratuit , hormis à la projection de Bamako au cinéma Le Dietrich le vendredi soir au tarif unique de 4€.
Libre participation aux frais du festival.
Espace Mendès France
1 Place de la Cathédrale, 86000 Poitiers
05 49 50 33 08
http://emf.fr
Cinéma Le Dietrich
34, Boule vard Chasseigne, 86000 Poitiers
05 49 01 77 90 ou 05 49 58 21 63
http://le-dietrich.fr
Le Plan B
bar culturel et solidaire
30-32 boule vard du Grand Cerf, 86000 Poitiers
09 50 56 16 59
http://www.barleplanb.fr
Partenariats
Le festival Raisons d’agir 2011 est organisé par l’association Raisons d’agir Poitiers, L’Associo et La famille digitale, en partenariat avec l’association Pour Politis, le cinéma Le Dietrich, le Plan B, l’Espace Mendès France et le Lieu multiple. Avec le soutien financier de l’université de Poitiers, de la ville de Poitiers et de la région Poitou-Charentes.
contact@festivalraisonsagir.org
http://festivalraisonsagir.org
Programme
Quelques photos de l’édition 2011
Samedi 2 avril
A partir de 19h – PLAN B EN PRÉAMBULE – Entrée libre
19h PROJECTIONS
Séance présentée par Benoit Perraud, réalisateur & programmateur
– Les maîtres fous – Jean Rouch – 1955, France / Ghana, 36 min.
– LÎle aux fleurs – Jurge Furtado – 1989, Brésil, 12 min.
– RESF#3 – Agathe Dreyfus et Christine Gabory – 2007, France, 8 min.
– RESF#4 – Agathe Dreyfus et Christine Gabory – 2007, France, 14 min.
Jeudi 7 avril
17h — 23h – Espace Mendès France – entrée libre
17h INSTALLATION LA LANGUE DE LA MONDIALISATION : FRAGMENTS DE PAROLE ÉTUDIANTE
Présentation de Véronique Rauline, maître de conférences à l’université de Nanterre. « Gouvernance », « excellence », « économie de la connaissance »… : intervention-lectures par des étudiants de 2e année de Lettres de l’université de Poitiers.
18h30 PROJECTION
Séance présentée par Benoit Perraud, réalisateur & programmateur.
LE NOUVEL ÂGE GLACIAIRE – Johan Van Der Keuken, 1974, Pays-Bas
20h BUFFET
21h SOIRÉE D’OUVERTURE « SPÉCIALE DIPLO »
Conférences et débats avec des journalistes du Monde Diplomatique. Serge Halimi, directeur du Monde Diplomatique et Renaud Lambert, membre de l’ACRIMED et collaborateur du Monde Diplomatique animeront la soirée inaugurale du 6e festival Raisons d’agir et interviendrons respectivement sur l’après-Obama aux USA : « quand l’élection ne peut pas tout… » et sur la place de la culture indigène dans la lutte politique en Amérique latine, à propos notamment du « pachamanisme ».
Vendredi 8 avril
9h — -18h – ESPACE MENDÈS FRANCE : JOURNÉE D’ÉTUDE – entrée libre
9h ACCUEIL
9h15 PRÉSENTATION
9h30 – 11h DYNAMIQUES DE LA MONDIALISATION
– La mondialisation au prisme des migrations internationales par William Berthomière, chercheur au CNRS, directeur de MIGRINTER.
– Une précarité à la loupe : le travail journalier à Chicago par Sébastien Chauvin, sociologue, professeur assistant à l’Université d’Amsterdam.
Enregistrements :
11h30 – 13h OPPRESSIONS ET RÉSISTANCES LOCALES
– Construire l’après-libéralisme sous l’ère Morales : défis et paradoxes de l’expérience bolivienne par Hervé Do Alto, doctorant en science politique à l’IEP d’Aix-en-Provence.
– Inde : la société civile internationale « adopte » les « intouchables » : soutien ou nuisance à l’émancipation ? par Nicolas Jaoul, chercheur CNRS en anthropologie.
Enregistrements :
14h – 15h30 OPPRESSIONS ET RÉSISTANCES LOCALES (SUITE)
– Déclassement social et disposition collective à la révolte : le cas de la jeunesse grecque par Nikos Panayotopoulos, sociologue, professeur de sociologie à l’université de Crête.
– La grève des sans -papiers papiers : le mouvement ouvrier face face aux contradictions des politiques migratoires par Pierre Barron, expert auprès des CHSCT, Anne Bory, maître de conférences à l’université Lille 1 (CLERSE), Sébastien Chauvin, professeur assistant à l’université d’Amsterdam, Nicolas Jounin, maître de conférences à l’université Paris VIII (CRESPPA) et Lucie Tourette, journaliste.
Enregistrements :
16h – 17h30 RÉSISTANCES TRANSNATIONALES
– Le mouvement altermondialiste : une contestation transnationale ? par Isabelle Sommier, professeur à l’université Paris 1 Panthéon Sorbonne (CRPS-CESSP).
– Le salaire, au coeur de l’eurosyndicalisme ? par Anne Dufresne, sociologue, chercheure FNRS-FRS (UCL, Louvain-la-Neuve).
Enregistrements :
21h -22h20 – CINÉMA LE DIETRICH – PROJECTION / DÉBAT BAMAKO
Séance présentée par Benoit Perraud, en présence de Vincent Malausa, critique et journaliste (nombreux reportages sur des tournages et des festivals subsahariens), collaborateur régulier de Jeune Afrique et membre du comité de rédaction des Cahiers du Cinéma.
Bamako – Abderrahmane Sissako, 2006, France / Mali , 118 min
Samedi 9 avril
9h — 13h – ESPACE MENDÈS FRANCE – JOURNÉE D’ÉTUDES SUITE- entrée libre
9h30 – 11h ACTEURS TRANSNATIONAUX DE LA MONDIALISATION
– Les dirigeants des banques centrales, acteurs des politiques néo-libérales de « l’après-crise » par Frédéric Lebaron, professeur de sociologie à l’université de Picardie (CURAPP).
– Le lobbying à Bruxelles par Sylvain Laurens, maître de conférences à l’université de Limoges
Enregistrements :
11h30 – 13h ACTEURS TRANSNATIONAUX DE LA MONDIALISATION (SUITE)
– Exporter le blairisme vers la France ? Réflexions sur un échec relatif relatif par Keith Dixon, professeur de civilisation britannique à l’université Lumière Lyon 2.
– L’internationalisation des banques suisses par Franz Schultheis, professeur de sociologie, University of St-Gallen.
Enregistrements :
14h – 20h – ESPACE MENDÈS FRANCE : ET MAINTENANT ? – entrée libre
Séance présentée par Benoit Perraud, réalisateur & programmateur.
14h PROJECTION La 4e guerre mondiale – Big Noise
2006, Collectif international
16h TABLE RONDE : VERS UN NOUVEL INTERNATIONALISME
avec Christian Paupineau, délégué CGT de New Fabris à Chatellerault, Christophe Aguiton, militant altermondialiste. Kamel Tafer, militant associatif, ancien syndicaliste étudiant, Aurélien Bernier, militant altermondialiste, porte parole du Mouvement politique d’éducation populaire (M’PEP), Samuel Foutoyet, membre de l’association Survie.
Enregistrements :
18h HAPPENING UPGRADE ! PARIS
Presentation & performance « antidatamining VII » flashcrash par Marika Dermineur et Julie Morel, artistes du numérique, co-auteures de www.incident.net avec le collectif RYBN.
Plus d’infos sur cette performance.