Conférence de Magali Nachtergel, maître de conférences en littérature française et arts contemporains à l’université Paris 13, co-directrice de la revue Itinéraires – Littérature, textes, cultures et responsable du Parcours arts et culture.
Enregistrement
Les photographies de Roland Barthes forment un paysage visuel singulier où images publiques et privées s’entrecroisent. Des images de presse ayant servi à rédiger Mythologies jusqu’aux photographies illustrant La Chambre claire, le rapport de Barthes à la photographie est multiple, riche de ses goûts tout en nuances mais aussi de positions plus radicales qu’elles ne paraissent de prime abord.
Avec le Roland Barthes par Roland Barthes en 1975, on découvre un auteur qui assume la condition contemporaine de l’identité, une identité qui passe par la réflexivité, la scénographie visuelle et la possibilité d’une fiction de soi. C’est le moment où Barthes est le plus proche des artistes dits des « mythologies individuelles », Jean Le Gac, Didier Bay, Christian Boltanski et même ultérieurement Sophie Calle. En 1980, La Chambre claire semble perpétuer cette « mythologie individuelle » en mettant au premier plan la subjectivité et le deuil de la mère disparue. Pourtant, le livre est aussi, par le discours des images, la déconstruction de la mythologie personnelle pour accéder à un autre ordre mythographique : celui des marginaux, des invisibles, des minorités.
Nous verrons donc comment la question de la mythologie individuelle, à travers les images chez Barthes, dépasse son propre objet et conduit à une nouvelle forme de réflexion sur l’identité et leur diversité. Cette progression nous amènera à nous demander dans quelle mesure ce dispositif combinant écriture et photographie a pu façonner le champ émergent des cultural et visual studies dans les années 1980.