Rencontre avec Jacques Rancière, philosophe, professeur émérite, université de Paris VIII.
Animée par Robert Bonamy, professeur des universités en études cinématographiques, Anne-Cécile Guilbard, professeure en littérature française et esthétique et Stéphane Bikialo, professeur en langue et littérature françaises.
L’expérience artistique et l’expérience politique sont envisagées par Jacques Rancière comme expériences singulièrement esthétiques. Le terme « esthétique » ne concerne ainsi pas exclusivement les différentes disciplines artistiques ou le « beau », mais l’expérience sensible, c’est-à-dire des relations entre des perceptions et des affects qui sont une manière de faire monde. En ce sens, la politique est bien affaire d’esthétique, en particulier en lien avec des expérimentations de formes possibles de communautés sensibles, y compris pour inventer des futurs.
Si Jacques Rancière continue de mobiliser fréquemment des exemples artistiques et des lectures dans ses écrits, il ne cherche pas tant à exposer un savoir de tel ou tel art et ses procédures, qu’à saisir le mouvement par lequel un art devient autre chose que lui-même, se détache de ce qui paraît le caractériser, pour dessiner un régime de pensée, voire une piste de monde commun. C’est ainsi que Jacques Rancière revient avec insistance sur ce qu’il a appelé le « régime esthétique ».
Lire et écouter Jacques Rancière relève aussi d’une expérience en mesure de mettre du mouvement, pour ne pas s’en tenir aux places dévolues ou assignées, aux hiérarchies fixées ou imposées. La fréquentation de sa pensée peut être surprenante, y compris pour celles et ceux qui la connaissent peu, tant ses propositions (en termes de « dissensus » ou encore de « spectateur émancipé »), invitent à déplacer les attendus sensibles jusqu’à, pour reprendre la dernière phrase d’un de ses essais parmi les plus récents, « un travail esthétique d’expérimentation d’une humanité non prédatrice qui est indissolublement artistique et politique » (Les Voyages de l’art, éditions du Seuil, 2023).
Dans le cadre des Amphis des Lettres au présent, en partenariat avec l’UFR Lettres et langues de l’université de Poitiers, sous la direction scientifique de Stéphane Bikialo, professeur en langue et littérature françaises ; Robert Bonamy, professeure des universités en études cinématographiques, et Anne- Cécile Guilbard, professeur en littérature française et esthétique.