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Les Sciences Sociales et l’Anthropologie plus que jamais

mardi 25 novembre 2008

Conférence de Maurice Godelier, directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales. L’HORAIRE DE CETTE CONFERENCE A ETE AVANCE DE 18h30 à 18h

L’anthropologie ne s’est autonomisée comme discipline nouvelle des sciences sociales que dans la période finale de l’expansion coloniale et de la domination mondiale de quelques sociétés occidentales sur le reste du monde (1850-1950). L’anthropologie, pour se constituer comme discipline scientifique, a exigé dès le départ un effort de décentrement volontaire de l’anthropologue par rapport aux représentations, aux valeurs, aux présupposés de sa propre société, par rapport donc àdes éléments de son Moi social et de l’époque historique à laquelle il appartenait. Il lui faut donc construire un Moi cognitif, réflexif et critique, qui s’ajoute à son Moi social et à son Moi intime et qui peut les mettre en question. Un tel décentrement, toujours à recommencer, et une telle distance critique par rapport à sa société ne suffisent pas à eux seuls à garantir le caractère scientifique des conclusions tirées des observations recueillies sur le terrain. Car ces observations, pour faire sens, doivent être le résultat d’enquêtes systématiques portant sur les formes de pouvoir, les représentations et pratiques religieuses, les rapports de parenté et les formes d’organisation de la vie matérielle existant dans la société observée. Ceci présuppose que l’Altérité sociale des autres soit connaissable par des méthodes appropriées, et ce présupposé théorique fonde la possibilité non seulement de l’anthropologie, mais de toutes les sciences sociales.

Les écrits des anthropologues ne constituent pas une immense collection de récits fictifs, inventés avec la complicité d’informateurs complaisants. Aujourd’hui, moins que jamais l’anthropologie est appelée à disparaître. Car dans le monde où nous vivons et qui voit la domination globale du système capitaliste s’étendre à toutes les sociétés existantes, on constate qu’en même temps, et liées à ce processus, de multiples identités culturelles et politiques, héritées ou réinventées, s’affirment ou se réaffirment. Par exemple ce ne sont pas les Occidentaux qui ont inventé les divisions de l’Islam, entre le Shi’isme et le Sunnisme ou le Wahhabisme. Ces réalités culturelles et sociales s’imposent à nous aujourd’hui et viennent de loin. Moins que jamais l’anthropologie ne peut faire son travail sans lien avec l’histoire et les autres sciences sociales. Et aujourd’hui l’anthropologie est peut-être en train de se détacher définitivement de l’Occident, sa terre natale.

Cycle Jalons pour une histoire des sciences de l’Homme. En partenariat avec l’Ecole doctorale sciences humaines économiques et sociales de l’université de Poitiers et la Société française pour l’histoire des sciences de l’homme.

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