Conférence de Morgane Labbé, maîtresse de conférences en histoire, École des hautes études en sciences sociales.
La statistique a été étroitement associée à la construction des Etats nationaux et des Empires multinationaux. L’enjeu politique que constitua au 19e siècle l’édification de l’Etat national comme modèle politique légitime, propulsa la production de chiffres sur les nationalités dans une routine administrative sans précédent. Relevée ici et là par quelques administrations locales au début du 19e siècle, la nationalité fut, à la fin de ce siècle, un caractère enregistré dans tous les recensements de la population ; et au lendemain de la Première guerre mondiale, dans les négociations internationales, elle était devenue un mode privilégié d’établissement des faits de nationalité. Prenant appui sur l’exemple de l’Europe centrale, cette conférence entend retracer l’émergence des statistiques ethniques dans une perspective longue : partant de 1848 qui marque leur apparition dans les revendications nationales pour suivre leur généralisation dans les recensements. On s’intéressera aux conditions historiques de cet essor d’un savoir qui fut privilégié car il permettait d’objectiver la nationalité, et donc de construire l’espace national, ses frontières et sa population comme des faits indiscutables.