Inventaire/patrimoine/mémoire : voici trois termes qui occupent une place centrale dans l’action publique comme dans le champ des sciences sociales, mais n’en sont pas moins utilisés avec des sens et des visées différents.
Alors que le terme d’inventaire suggère une action de recensement d’un patrimoine déjà existant, les chercheurs en sciences sociales envisagent plutôt le « patrimoine » comme le résultat d’une action sélective, opérant du présent vers le passé, dictée ou orientée par des enjeux sociaux contemporains.
Néanmoins, opposer la vision critique des chercheurs à l’action des acteurs de la sauvegarde et du patrimoine ne rend pas justice à la complexité des liens qui existent entre eux. Si les chercheurs se défendent généralement de participer à un travail de transmission, en accordant une place centrale à la parole d’acteurs sociaux, ils fixent de fait des discours et des « mémoires » : ne contribuent-t-ils pas eux-aussi à une forme de transmission ou de patrimonialisation ? Inversement, le travail d’inventaire et de sauvegarde n’implique-t-il pas une distance nécessairement réflexive vis-à-vis des choix qui sont opérés ?
A partir de l’intervention croisée de chercheurs et d’acteurs patrimoniaux, nous nous interrogerons donc sur la manière dont les termes de « mémoire », « patrimoine » (ou « patrimonialisation »), « inventaire », sont investis et manipulés dans différents champs d’action et de recherche. Nous questionnerons les frontières établies entre les domaines de la recherche et de l’action patrimoniale à partir de l’examen critique de l’usage des catégories et des pratiques à l’œuvre.
Programme
Matin 9h30 – 13h00
9h30 Accueil
10h Thierry Sauzeau, professeur d’histoire, université de Poitiers/CRIHAM
Changement climatique et experts d’usage : le patrimoine immatériel au service de l’adaptation sur le littoral ?
Le littoral est inconstant, que ce soit face aux changements graduels ou bien à l’épreuve d’événements extrêmes. L’histoire du climat et la géohistoire des territoires littoraux l’ont démontré. La tempête Xynthia (27-28 février 2010) a révélé les paradoxes d’un demi-siècle de développement économique : oubli du caractère ordinaire des colères de la nature ; oubli du legs de « bonnes pratiques » permettant de vivre en paix avec le littoral et de composer avec ses changements. Le pilotage des politiques de développement littoral minimise les apports de cette double mémoire, en dépit de son intégration croissante au complexe réglementaire porté par l’État. Entre désuétude, obsolescence et mépris parfois, les détenteurs de ce legs disparaissent peu à peu tandis que de nouveaux habitants (retraités, touristes) dotés d’un bon niveau culturel s’y intéressent et s’en saisissent. La collecte de mémoire et sa mise en connexion avec la documentation et l’analyse historique sont au cœur de l’action baptisée « Littoral et risque maritime : vision collective et gestion participative » que porte l’Université populaire du littoral avec le soutien financier du programme « Quels littoraux pour demain ? » de la Fondation de France
10h50 Pascale Moisdon-Pouvreau, chargée d’études, service régional du patrimoine de la région Poitou-Charentes
Un inventaire des mémoires ouvrières par la région Poitou-Charentes
Depuis 2009, le service du patrimoine de la région Poitou-Charentes mène un inventaire des mémoires ouvrières relatives à différentes activités, entreprises et territoires. L’objectif de cette recherche, axée sur une collecte orale, est de restituer toute sa dimension humaine au patrimoine industriel qui avait été précédemment étudié, en valorisant les mémoires ouvrières et en favorisant leur transmission. En décrivant la méthodologie mise en œuvre et en commentant les résultats obtenus, cette présentation sera l’occasion de partager la réflexion autour de cette recherche sur le patrimoine immatériel, inédite pour la Région.
11h40 Pause
12h00 Willy Paroche, chargé de mission, AREAS (association de recherche et d’échanges en anthropologie et en sociologie)
L’Hermione, un chantier de 17 ans : présentation de quelques témoignages et éléments de réflexion autour du patrimoine
Dans le cadre du marché public de collecte des mémoires ouvrières, onze témoignages d’artisans et d’acteurs (charpentiers, forgerons, responsable associatif, maître d’œuvre) ayant participés à la construction de la réplique de l’Hermione ont été recueillis. Il s’agira à travers la présentation de ce travail de collecte d’apporter des éléments de réflexion sur l’aventure qu’a été ce chantier, les évolutions des représentations autour patrimoine et les changements dans le processus de production cet objet patrimonial qu’est l’Hermione.
13h Pause déjeuner
Après-midi 14h30-17h30
14h30 Yvon Lamy, professeur émérite de sociologie, université de Limoges/GRESCO Limoges.
Approches critiques de l’éclectisme patrimonial contemporain en sciences sociales
15h20 Guillaume Étienne, chercheur associé Citeres / Cost, université de Tours
Mise à jour sur l’agenda patrimonial et valorisation de l’objet
Dans quelles circonstances l’idée de patrimoine peut-elle s’insérer dans des discours et pratiques pour faire valoir l’attachement porté à un objet ? Si l’on peut effectivement séparer par commodité et selon la finalité de leurs pratiques les professionnels, les chercheurs et les acteurs du patrimoine, les liens qui existent entre eux démontrent toutefois une réalité et des jeux d’acteurs moins figés. A partir de l’étude d’un pèlerinage local de la région Centre, cette présentation montrera les divers termes investis par les acteurs mais aussi les observateurs pour caractériser l’événement.
Trois points guideront cette intervention :
1- l’importance du contexte socio-historique et l’intervention de nouveaux pèlerins (Portugais), marquant le passage de la tradition au patrimoine dans sa description.
2- la place des divers acteurs et les voix convergentes ou divergentes face à ce patrimoine : de quels patrimoines on parle, à quel type d’objet, de pratiques et de représentations ou d’attachements on a affaire, en fonction des acteurs.
3- les raisons et façons dont les acteurs ont recours au patrimoine aujourd’hui.
16h10 Pause
16h30 Sophie Chave-Dartoen, maître de conférences en anthropologie, directrice du musée d’ethnologie de l’université de Bordeaux
Le musée d’ethnographie de l’université de Bordeaux : à la croisée des enjeux patrimoniaux et de la médiation scientifique
Le musée d’ethnographie de l’université de Bordeaux, second musée d’ethnographie exotique créé en France et l’un des rares musées universitaires français, a été récemment rénové sous la direction d’un enseignant chercheur en ethnologie. Ses missions croisent problématiques patrimoniales, diffusion de la recherche et médiation scientifique, formation et animation culturelle. L’articulation entre ces missions sera présentée, en lien avec les interactions institutionnelles et les partenariats qu’il a développé ces dernières années.
Informations pratiques
Lieu : Espace Mendès France, 1 place de la cathédrale, Poitiers.
Journée organisée par l’AREAS (association de recherche et d’échanges en anthropologie et en sociologie).
Avec le soutien de : la région Poitou-Charentes, l’Espace Mendès France, l’université de Poitiers, le CROUS Poitiers, la ville de Poitiers.
Contact/renseignements : association de recherche et d’échanges en anthropologie et en sociologie.
Willy PAROCHE, chargé d’études, de mission et de développement AREAS : areas.poitiers@gmail.com / 07.81.04.56.91
Enregistrements: