Journée d’études organisée en partenariat avec la Médiathèque François Mitterrand de Poitiers, avec le soutien de l’Institut européen d’histoire et des cultures de l’alimentation (IEHCA), du laboratoire de recherche sur la consommation (CORELA) à l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) et de l’Institut national de la recherche agronomique Poitou-Charentes.
Sous la responsabilité scientifique de Martin Bruegel, historien, laboratoire de recherche sur la consommation à l’INRA.
L’alimentation n’est jamais simplement une dose d’énergie. Matérielle, certes, la nourriture est aussi symbolique. Elle est économique et culturelle, corps et esprit. Elle apporte des calories, protides, glucides, lipides et vitamines mais auusi elle véhicule des idées, des croyances et des représentations collectives. Les aliments interviennent dans toutes sortes de transactions. Ils établissent des liens entre l’ici-bas et l’au-delà. Les religions règlent certaines consommations alimentaires et renforcent ainsi les sentiments d’appartenance : l’aliment devient vecteur d’identité. Source de distinction et objet de discours gastronomiques, l’alimentation marque encore l’exclusion, la précarité, la pauvreté. Depuis toujours, la tension entre abondance et carence, entre le gras et le maigre, la fête et la disette, caractérise l’expérience humaine. Elle a causé des révoltes et des guerres. Mais elle a également stimulé les efforts humains à gérer les ressources naturelles, contribuant au déploiement d’ingénuosité technique, à la construction d’administrations politiques et au raffinement de l’ostentation et des goûts.
Si l’étude de la nourriture est une clé essentielle pour comprendre – de l’intérieur on est tenté de dire – l’échange, la communauté, la spiritualité, la communication jusqu’aux genres et à la sexualité, cette journée d’études propose des regards historiques sur la gestion, l’extension et même la mise en scène des répertoires alimentaires. En ciblant ainsi la vie quotidienne dans le cadre d’une comparaison systématique au moyen d’approches variées, les intervenants nous font découvrir comment les sociétés anciennes et modernes, sans et avec écriture, ont défini, atteint et célébré la sécurité alimentaire.
Programme
9 h 15 / accueil par Didier Moreau, directeur de l’Espace Mendès France et Martin Bruegel, (INRA-CORELA).
Introduction / Martin Bruegel
Pénurie et profusion
9 h 45 – 10h 15
Les Magdaléniens du Bassin parisien à la fin du Paléolithique : une organisation sociale tournée vers une économie d’abondance ?
Olivier Bignon (Muséum national d’histoire naturelle, Paris)
10 h15 – 10h45
Précarité et rituels festifs dans le monde gréco-romain
Robin Nadeau (université Paris 1 – Sorbonne)
10 h45 – 11h00 / pause
11h00 – 11h30
Définir la famine au Moyen Âge et à la Renaissance
Allen J. Grieco (Harvard University)
11h30-12h00
Chimie culinaire et sécurité alimentaire. Le cas des ustensiles céramiques (Moyen âge-Temps modernes)
Danièle Alexandre-Bidon (EHESS)
12h00 débats
14 h00 – 14h30
Culture de faim et comportements alimentaires à l’époque moderne
Florent Quellier, université de Haute Bretage, Rennes.
14h30 – 15h00
Sécurité de l’approvisionnement, sécurité de l’alimentation : les responsables d’Ancien Régime face aux épizooties
Reynald Abad (université Paris 4 – Sorbonne)
15h00-15h15 / débats
15h15 – 15h45 /
Le nouveau monde des marchandises, ou comment définir la qualité alimentaire aux 19e et 20e siècles
Alessandro Stanziani (CNRS-IDHE)
15h45 – 16h15
Les tourments de la profusion : les consommateurs et les recommandations nutritionnelles au seuil du troisième millénaire
Faustine Régnier (INRA-CORELA)
16h15 – 16h30 / Pause
16h30 : débats puis conclusion par Martin Bruegel
20h30
Retour sur la France des années oubliées. Le lendemain de la deuxième Guerre mondiale à travers le prisme du « paint maudit » de Pont-Saint-Esprit (en passant par Saint-Martin-la-Rivière et Poitiers)
Conférence plénière avec Steven L. Kaplan, Cornell University, université de Saint-Quentin.
Un fait divers ? Ç’aurait pu en rester là. Mais c’est le pain qui véhicule le poison. Les empoisonnements alimentaires de cette fin d’été 1951 prennent une toute autre dimension. Le pain quotidien, qui règle l’alimentation et exprime la spiritualité, s’est transformé en pain maudit : la France entière s’en trouve ébranlée. Pont-Saint-Esprit, où les intoxications touchent plusieurs centaines de personnes, devient synonyme d’angoisses, d’insécurité. Steven L. Kaplan, le grand historien américain qui garde un souvenir ému du Poitiers où il a perfectionné son français une bonne dizaine d’années après la crise, nous racontera l’affaire de ce pain maudit, travesti. Il analysera les manifestations – des convulsions démoniaques à la panique qui saisit la filière céréalière après l’arrestation d’un meunier poitevin – pour décrire les mentalités populaires et les inquiétudes des autorités. Il utilisera le récit pour nous faire revivre les émotions et les agissements, les obsessions et les espoirs de la France des années oubliées, celles du lendemain de la Deuxième Guerre mondiale où l’on gagne encore son pain.
Steven L. Kaplan a publié, entre autres, Le complot de famines ; histoire d’une rumeur au 18e siècle (A. Colin, 1982) ; Les Ventres de Paris: pouvoir et approvisionnement dans la France d’Ancien Régime (Fayard, 1988) ; Le meilleur pain du monde : les boulangers de Paris au XVIIIe siècle (Fayard, 1996) ; Le retour du bon pain : une histoire contemporaine du pain, de ses techniques et de ses hommes (Perrin, 2002).
Enregistrements :