Depuis que vous avez obtenu la médaille Fields en 2010, vous apparaissez beaucoup dans les médias pour vulgariser les mathématiques. Pourquoi est-ce aussi important ?
« Les mathématiques sont présentes tout autour de nous. On ne s’en rend pas toujours compte. Voilà pourquoi je veux présenter les questions de mathématiques conceptuelles à travers des exemples familiers. Cette démarche permet aussi de comprendre les liens entre l’histoire des sciences et l’histoire de la société. C’est pour cette raison que le contexte religieux, par exemple, a influé sur la connaissance de l’évolution des hommes et de la société. Par ailleurs, je trouve important d’expliquer à quoi sert un mathématicien pour que les politiques ne décident pas arbitrairement de couper les crédits de recherche. Évidemment, ce serait très facile. Les citoyens ne se rendraient compte des conséquences qu’une décennie plus tard. »
53% des élèves français de 15 ans se sentent tendus quand ils doivent faire un devoir de mathématiques… Comment rendre les maths passionnantes pour ces jeunes ?
« Je me souviens d’un dessin animé des années 50 que je regardais quand j’étais gamin et de certains livres sur lesquels j’étais tombés par hasard… Ces documents m’ont donné le goût des mathématiques, parce qu’ils contenaient trois éléments indispensables : l’histoire des individus qui font les mathématiques, celle des concepts eux-mêmes et, enfin, la manière dont ont été résolus les problèmes abordés. Je m’efforce d’aborder ces trois aspects dans mes conférences. L’Institut Poincaré relance aussi la collection « Le Monde est mathématique », qui reprend le même principe. »
Faudrait-il changer le programme de mathématiques utilisé dans les collèges et les lycées de France pour y intégrer davantage de « culture scientifique » ?
« Un journaliste doit connaître le sens de sa mission, mais s’il se focalise dessus, son travail n’avance pas. De la même façon, si les élèves devaient se concentrer sur l’histoire des sciences, ils passeraient à côté de l’essentiel : l’entraînement à la réflexion. On dit souvent que les théories enseignées ne servent même pas aux mathématiciens actuels. La vérité, c’est que le contenu n’est pas important dans la démarche de découverte. Il faut que les élèves adoptent un raisonnement, une rigueur pour mener une démonstration et éprouver du plaisir à la recherche. C’est pourquoi ce serait une erreur de changer les programmes des collèges et lycées. Mes conférences ne sont que la cerise sur le gâteau. »