Conférence de Anne Lacheret, professeur en sciences du langage à l’université de Paris ouest Nanterre.
Enregistrement
Je célèbre la voix mêlée de couleur grise
Qui hésite aux lointains du chant qui s’est perdu
Comme si au delà de toute forme pure
Tremblât un autre chant et le seul absolu
Y. Bonnefoy
Dans les interactions langagières au quotidien, la voix est convoquée pour transmettre des informations, décrire des situations, raconter des histoires, exprimer un point de vue, convaincre, etc. Elle se fait oublier dans les paroles prononcées, mais elle agit aussi à travers elles, et elle est mémoire par son timbre, son intensité, sa texture, ses modulations, en un mot : sa prosodie.
Avec la prosodie, un phonostyle s’inscrit fluctuant selon les époques, les situations de communication et les genres de discours qu’elles engendrent. C’est donc d’expressivité vocale dont il sera question dans cette communication, consacrée à la dimension sémiologique de la voix. Tour à tour signe et signal, l’expressivité vocale n’intervient pas seulement dans des situations de communication stéréotypées, qui exigent une rhétorique bien rodée et témoignent d’un « acte social pur » ; elle se constitue naturellement d’abord au cours des interactions de la vie quotidienne, la voix s’y donne, s’y perd, s’y construit, s’y déconstruit et s’y reconstruit et, chemin faisant, parle de nous au plus profond de l’intime, dit nos émotions, nos sentiments, bref : porte les traces indélébiles de notre passage .
Finalement, cette voix qui parle de nous est bien une signature qui s’inscrit dans la mémoire de ceux qui l’entendent et se donnent également la peine de l’écouter pour ne pas l’oublier. Les ressources mobilisées pour étudier scientifiquement cette voix, qui se fait tour à tour mémoire collective et individuelle, sont multiples (physiologiques, culturelles, ethnologiques, sociales, artistiques, langagières, etc.).
C’est des ressources physiologiques et langagières dont il sera question dans cette communication au regard de différents usages, dans une perspective à la fois historique (variation du style vocal au gré des époques) et contemporaine (variation des phonostyles selon les situations de communication et l’état affectif du sujet parlant).