Conférence de Nathalie Quintane, auteure, essayiste.
“Quand je dis qu’une partie de mon salaire est versée malgré lui par l’État à une activité de type poétique, je me donne à moi-même l’impression de détourner une somme qui pourtant est due à mon autre activité, la dépouillant ainsi et suggérant qu’elle ne vaut pas son salaire légal. C’est qu’un nombre important de poètes (d’écrivains, d’artistes, de musiciens) exercent aussi le métier d’enseignant, si bien que la doublette [activité artistique +
enseignement] paraît pour ainsi dire naturalisée. L’État, me dis-je, quand il verse un salaire d’enseignant, n’est pas sans savoir qu’il subvient par la même aux besoins d’un personnel qui ne fait parfois pas qu’enseigner, et puisque ce personnel a deux activités pour le prix d’une, officielle et légale, il ne peut qu’envisager l’autre, officieuse quoique publique, comme un détournement de temps, le temps qu’il devrait consacrer à l’enseignement et au repos nécessaire à un bon enseignement et qu’il transfère à l’art, ou qu’il convertit en art. »