24 nov 2010 Attention ! cette conférence est annulée. Nous vous prions d’excuser ce changement de programme.
Conférence de Jean Clair, écrivain, essayiste et historien de l’art.
La guillotine ne fut pas l’invention du Dr. Guillotin. Sa machinerie, utilisée dès la Renaissance, fut perfectionnée par le Dr. Louis – d’où son surnom, « la Louisette » – mais surtout par un certain Tobias Schmidt, facteur de clavecin qui inventa le détail qui fit de la guillotine une véritable machine, commandée à distance et fonctionnant inlassablement… Vingt ans auparavant, Diderot avait trouvé dans le clavecin l’image du fonctionnement des fibres sensibles du corps humain, tout en développant, dans l’Encyclopédie, ses théories sur l’anatomie et sur la dissection…
Or, dès que ce nouveau mécanisme fonctionne, la dissection du corps humain, ou plutôt sa bisection, entraine un profond bouleversement de la sensibilité. Physiologistes, médecins, philosophes, écrivains s’interrogent sur la nature d’une tête séparée d’un corps et d’un corps privé de sa tête… Combien de temps vivent-ils encore, pensent-ils, séparés ? Cette interrogation alimente tout l’imaginaire du roman, de Poe à Villiers de l’Isle Adam, mais aussi la science médicale, de Suë à Cabanis. L’être humain devient zombi, spectre, monstre à la Frankenstein. L’idéal des Lumières qui croyait créer la mort humanitaire, indolore et égalitaire par la machine nommée « guillotine », donne en réalité naissance à la fantasmagorie du romantisme noir…
Cycle « Les amphis des lettres au présent » organisé en partenariat avec l’UFR Lettres et langues de l’université de Poitiers, sous la direction scientifique de Stéphane Bikialo, maître de conférences en Langue et littérature françaises et de Anne-Cécile Guilbard, maître de conférences en Littérature française et esthétique, université de Poitiers.