Journée organisée par l’Espace Mendès avec le soutien et le partenariat du service culturel de l’université de Poitiers dans le cadre de la programmation « à chacun son animal », sous la responsabilité scientifique de Georges Chapouthier, directeur de recherches au CNRS.
La science et la morale sont deux centres d’intérêt de l’espèce humaine, que, dans son appréhension de l’animal, notre espèce a souvent mêlés. Le prodigieux développement moderne des connaissances sur le comportement animal (l’éthologie) et les interrogations modernes à leur propos (la question des droits de l’animal) amènent à considérer sous un angle nouveau cette importante question.
Lors de cette journée, des éthologistes et des philosophes de l’animalité, parmi les plus éminents de notre pays, débattront de sujets aussi divers que les ressemblances entre l’homme et les animaux, primates mais aussi perroquets, les divers courants de l’éthique animale et ses applications à l’élevage, au vécu de la souffrance, aux parentés ou aux divergences avec les éthiques de l’environnement. L’ensemble permettra de conclure sur des réponses humaines aux grandes questions animales.
Georges Chapouthier, Directeur de recherches au CNRS
Avec les interventions de Florence Burgat, directeur de recherche en philosophie (Inra/université de Paris I) ; Georges Chapouthier, directeur de recherches au CNRS ; Dalila Bovet, maître de conférences, université Paris Ouest Nanterre-La Défense ; Elisabeth de Fontenay, enseignante honoraire de philosophie à l’université de Paris I ; Chris Herzfeld, doctorante au centre Koyré (Ecole des hautes études en sciences sociales & Muséum national d’histoire naturelle, Paris), en philosophie et histoire des sciences (Primatologie et relations entre humains et grands singes) ; Catherine Larrère, professeur à l’université Paris I, Paris Sorbonne et Raphaël Larrère directeur de recherche, unité INRA – Transformation sociales et politiques liés au Vivant, co-directeur de la collection Sciences en question de l’INRA ; Jocelyne Porcher, chargée de recherches à l’INRA-SAD (Sciences pour l’action et le développement) ; Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, philosophe, juriste, chercheur au Centre de recherches politiques Raymond Aron, Ecole des hautes études en sciences sociales.
Programme
9h, Accueil,
Didier Moreau, directeur général de l’Espace Mendès France – Georges Chapouthier, directeur de recherches au CNRS – Isabelle Lamothe, chargée de mission, service culturel, Université de Poitiers.
9h15 / En morale, sommes-nous des philosophes ou des chimpanzés ?
Georges Chapouthier, directeur de recherches au CNRS.
La morale et l’esthétique sont deux domaines dont l’espèce humaine est fière. Mais est-elle la seule à y accéder ? Existe-t-il, chez ses proches parents, chimpanzés notamment, des « protocultures » menant à des « protomorales » et à des « proto-esthétiques » ? Et quand l’homme effectue des choix moraux ou esthétiques, le fait-il plutôt comme un philosophe, plutôt comme un singe… ou comme les deux à la fois ? Ces questions posent finalement celle, fondamentale, de l’éventuelle spécificité culturelle de l’être humain.
10h15, débats
10h30 / De la domestication des primates
Chris Herzfeld, doctorante au centre Koyré (Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales & Muséum National d’Histoire Naturelle, Paris), en philosophie et histoire des sciences (Primatologie et relations entre humains et grands singes).
Lorsqu’ils vivent en étroite proximité avec les humains, les grands singes (bonobos, chimpanzés, gorilles et orangs-outans) s’approprient certaines de leurs habitudes et compétences techniques ou cognitives, ainsi que différents savoir-faire. Divers dispositifs (zoos, laboratoires d’apprentissage de langage symbolique humain aux anthropoïdes, familles ayant adopté des jeunes primates) favorisent cette transmission interspécifique qui fait entrer les singes dans les mondes humains et leur permettent de manifester des qualités inattendues de la part d’êtres relégués du côté de l’animalité dans la grande partition entre humains et animaux. Ces individus, convertis à nos modes de vie à différents degrés, nous obligent à poser de manière plus aiguë la question de nos responsabilités vis-à-vis des grands singes.
11h, débats
11h15, pause
11h30 / Les progrès de la connaissance en cognition animale : l’hypothèse du cerveau social
Dalila Bovet, maître de conférences, université Paris Ouest Nanterre-La Défense.
Les recherches récentes en cognition animale portent sur des espèces plus variées et s’inspirent davantage des problèmes rencontrés par les animaux dans leur milieu naturel que les études traditionnelles. Ainsi, certains chercheurs suggèrent que ce serait en réponse à la complexité de leur environnement social que les processus cognitifs se seraient particulièrement développés chez les primates. Cette hypothèse, dite hypothèse du cerveau social, a suscité de très nombreuses recherches sur les primates qui ont montré l’étendue et la complexité de la cognition de ces animaux. Cependant, les primates n’ont le monopole ni de la vie sociale, ni de l’intelligence. L’hypothèse du cerveau social pourrait donc s’appliquer à d’autres mammifères tels que les hyènes ou les dauphins, mais aussi à certains oiseaux qui vivent en groupes sociaux dans lesquels ils entretiennent des réseaux de relations complexes et diversifiées : des expériences récentes ont montré chez les perroquets et les corvidés (oiseaux appartenant à la famille des corbeaux) des capacités cognitives évoluées que l’on croyait jusque-là réservées aux primates.
12h, débats
12h15 / Les éleveurs et leurs animaux
Jocelyne Porcher, chargée de recherches à l’INRA-SAD (Sciences pour l’Action et le Développement)
La relation affective et amicale entre éleveurs et animaux a été jusqu’à très récemment occultée ou renvoyée à de la sensiblerie et du sentimentalisme. Le processus d’industrialisation de l’élevage et le développement des productions animales a en effet davantage valorisé la recherche du profit à court terme, l’individualisme et la virilité que la sensibilité. Mais les productions animales n’ont pas encore complètement phagocyté l’élevage. De nombreux éleveurs résistent et témoignent de la richesse du lien avec leurs animaux. Les animaux d’élevage ne sont pas si bêtes et entre eux et leurs éleveurs se tisse au quotidien une relation complexe reposant sur le respect, la confiance, l’intelligence mais aussi sur la contrainte. Mais le travail en élevage est réalisé avec les animaux et non contre eux. Il est porté par une démarche émancipatrice, pour les êtres humains comme pour les animaux, même si la mort des animaux souligne le caractère asymétrique de la relation. Face au processus d’industrialisation qui conduit à une artificialisation de notre alimentation et nos rapports au monde vivant, l’élevage est une irremplaçable école de vie.
12h45, débats
14h30 / Les principaux courants en éthique animale
Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, philosophe, juriste, chercheur au Centre de recherches politiques Raymond Aron, Ecole des hautes études en sciences sociales.
L’éthique animale est l’étude de la responsabilité morale des hommes à l’égard des animaux. Après avoir rappelé brièvement l’origine et l’évolution de ce domaine de recherche en plein essor, ainsi que les concepts sur lesquels il se base (antispécisme, bien-être animal ou droits des animaux, la notion de souffrance animale), nous présenterons les différents courants actuellement à l’œuvre dans l’éthique animale contemporaine : l’utilitarisme, l’abolitionnisme et la théorie des droits, l’intuitionnisme,l’éthique du care, les approches religieuses, scientifiques, environnementales, féministes, pragmatiques, politiques, l’approche par les capacités et, enfin, l’approche par le discours. Le but de cette présentation est à la fois de dresser le tableau des débats actuels sur le statut moral de l’animal et d’évaluer les pistes les plus prometteuses.
15h15, débats
15h30 / Ethique environnementale et éthique animale
Catherine Larrère, professeur à l’université Paris I , Paris Sorbonne et Raphaël Larrère directeur de recherche, unité INRA – Transformation Sociales et Politiques liés au Vivant , co-directeur de la collection Sciences en question de l’INRA:
Il s’agira de montrer que les éthiques environnementales et les éthiques animales se croisent sans se rencontrer même lorsqu’elles relèvent des mêmes théories morales. Les utilitaristes comme Norton ont des points de vue bien différents concernant les animaux sauvages que Singer. Holmes Rolston, pourtant théoriquement proche de Tom Reagan, est un carnivore virulent; et les écoféministes ne suivent pas les promotrices d’une éthique du care envers les animaux qui font du végétarisme une condition sine qua non de toute éthique animale. Il est vrai que les éthiques holistiques – ou communautariennes – (par exemple Leopold, ou Callicott d’un côté et du côté ethique animale Mary Midgley ou Catherine et moi ou encore Jocelyne Porcher) coexistent mieux, mais en s’étant partagé leur domaine: à l’éthique environnementale (écocentrée) les animaux sauvages et à l’éthique animale les animaux domestiques. L’idée serait de montrer ces proximités (et parfois ces filiations) théoriques et ces divergences (ou ces évitements) pratiques et de les interpréter.
16h15, débats
16h30, pause
16h45 / Autour de la souffrance animale
Florence Burgat, directeur de recherche en philosophie (Inra/université de Paris I)
Florence Burgat examinera la manière dont la souffrance animale est à la fois reconnue et déniée, essentiellement dans le discours philosophique et dans le droit positif français.
17h15, débats
17h15 / Réponses humaines et questions animales
Elisabeth de Fontenay, enseignante honoraire de philosophie à l’université de Paris I, Quelques conclusions philosophiques
Enregistrements :