Présentation de l’ouvrage par Christine Chivallon, anthropologue, géographe et directrice de recherche au LAM-CNRS (sciences Po Bordeaux, université de Bordeaux).
L’ouvrage présenté propose une étude de grande envergure, première du genre sur la mémoire et le souvenir de l’esclavage. En analysant les débats politiques et académiques des vingt dernières années, l’auteur dégage deux approches : celle du soupçon politique (victimisation, instrumentalisation, surenchère) et celle du doute anthropologique (fragilité, absence, vide). Ayant établi ce constat, Christine Chivallon part alors à la recherche des traces du souvenir de l’esclavage ainsi que des témoins qui les transmettent pour comprendre la teneur des expressions mémorielles issues de l’expérience esclavagiste.
L’étude de l’Insurrection du sud qui a opposé, à la Martinique, anciens maîtres et anciens esclaves, en 1870, au moment de l’instauration de la Troisième République, forme le pivot de ce parcours. Elle permet de reconstituer une scène primordiale de violence et d’en trouver les expressions transmises au sein des descendants des insurgés, témoins d’aujourd’hui. L’approche de cet évènement fondateur fournit l’occasion d’aller bien au-delà de la découverte de récits de mémoire minorés pour explorer les différentes manières de transmettre, de s’emparer, ou « d’incorporer » le passé dans un contexte (post)colonial, formé dans la double matrice de l’esclavage et de la République.
Pourtant, cette recherche dépasse largement le cadre empirique de la Martinique en établissant des connaissances sur la Caraïbe et les Amériques noires, et en construisant des interprétations théoriques autant sur les faits de mémoire que sur les expériences historiques liées aux conditions coloniales esclavagistes et à leurs devenirs.
Enregistrement