Conférence de Geoffroy de Lagasnerie, sociologue, chargé de cours à l’université Paris I – Panthéon Sorbonne.
Habituellement, l’histoire des idées se ramène à une histoire des contenus savants : elle étudie l’émergence des œuvres et leur postérité, la formation de concepts, des théories. Cette conception amène souvent à distinguer les auteurs en fonction des problèmes qu’ils ont inventés, des doctrines qu’ils ont défendues – des positions qu’ils ont prises. A l’inverse, je voudrais me demander si, plutôt que de se focaliser sur le contenu ou la forme des productions intellectuelles, il ne faudrait pas placer au centre de l’analyse la question du geste des auteurs, de leur attitude. Il s’agirait ici de problématiser ce que penser veut dire, d’étudier ce que signifie, en terme de dispositions mentales, être un écrivain, être un théoricien, être un intellectuel. Des auteurs parfois aussi radicalement opposés que Foucault ou Bourdieu, Deleuze ou Derrida, Barthes ou Lévi-Strauss, etc. n’étaient-ils pas au fond très proches d’un point de vue éthique ? Et s’il est vrai que circulent, dans l’espace public et académique, des conceptions antagonistes de l’acte d’écrire et de la recherche, on pourra se demander comment élaborer une politique des savoirs capables des fabriquer des individualités créatrices et d’inculquer des dispositions hérétiques et rebelles.
Geoffroy de Lagasnerie est sociologue. Il est l’auteur de Logique de la création. Sur l’Université, la vie intellectuelle et les conditions de l’innovation (Fayard, 2011), Sur la science des œuvres. Questions à Pierre Bourdieu (et à quelques autres) (Cartouche, 2011) et de L’Empire de l’Université. Sur Bourdieu, les intellectuels et le journalisme (Amsterdam, 2007). Il dirige la collection « A venir » aux Editions Fayard.