Conférence de Lionel Ruffel, professeur en littérature comparée et création littéraire, université Paris VIII.
« This is a dangerous book ! », s’inquiétait Glenn Beck sur Fox News lors de la parution aux États-Unis de l’ouvrage du Comité invisible, L’Insurrection qui vient. L’affaire dite de « Tarnac » traversait l’Atlantique alors qu’en France, elle avait agi comme un puissant révélateur des enjeux liés à la circulation contemporaine des textes. Au départ, rien que de très classique : un livre et un fait-divers : des lignes de train endommagées. Les deux sont liés par des lecteurs (police, justice, monde politique) « bovaryens », qui comme Emma Bovary, ne distinguent plus l’espace fictionnel et celui de l’action. Le livre devient alors unique pièce à conviction d’un procès médiatique puis judiciaire. Problème : ce livre n’a pas d’auteur revendiqué. Qu’est-ce qu’un livre ? Qu’est-ce qu’un livre sans auteur ? Sans visibilité ? Sans droit de propriété ? Quels usages doit-on en faire ? Un livre peut-il être une pièce à conviction ? Quelles en sont les frontières ? Car la structure moderne du littéraire n’est rien moins que celle de la propriété, ou pour le dire autrement la raison d’être du capitalisme. Telles sont les véritables questions de l’affaire dite « de Tarnac ». Et telles sont les questions littéraires fondamentales qui se posent à nouveau.
Dans le cadre des Amphis des lettres au présent, en partenariat avec l’UFR Lettres et langues de l’université de Poitiers.